Adaptation aux changements climatiques : perceptions, savoirs locaux et stratégies d’adaptation des producteurs des communes de Glazoué et de Savalou au centre du Bénin
Les changements climatiques ont induit une profo nde modification dans le cadre et le système de vie des producteurs ag ricoles du Bénin. Les populations des zones agroécologiques les plus vulnérables ont une certaine lecture des phénomènes climatiques. Face à ce qu'ils observent comme modification du c limat, ils développent des stratégies pour faire face aux effets de ces changements. La littérature fait état des stratégies collectives développées par les populations dans leur ensemble. Les stratégies individuelles développées au niveau exploitation en fonction des spécificités agro écologiques de celle -ci et les mécanismes ayant conduit à leurs mis au point demeurent les problématiques actuelles au Bénin en matière d'adaptation aux changements climatiques. La présente recherche traite de ces problématiques et contribue de ce fait à la compréhension des manifestations des changements climatiques, ses effets perceptibles par les populations dans le paysage agraire et les mesures développées pour y faire face.
L’objectif général de ce travail est d’ét udier la perception des populations des changements climatiques et de contribuer à une meilleure connaissance des stratégies utilisées par les communautés à la base pour s’adapter aux mutations induites par ce phénomène.
La méthodologie utilisée est une combinaison d'approches de recherche quantitative et qualitative. Les outils de traitement des données utilisées sont entre autres, la statistique descriptive et l'analyse des composantes principales. Le milieu paysan n'étant pas homogène, quatre catégories de producteurs ont été constituées pour analyser les stratégies paysannes développées:
- producteurs ayant une superficie totale cultivée inférieure à 6 ha et possédant d’anacarderaie ou de palmeraie ;
- producteurs ayant une superficie totale cultivée inféri eure à 6 ha et ne possédant ni d’anacarderaie, ni de palmeraie ;
- producteurs ayant une superficie totale cultivée supérieure ou égale à 6 ha et possédant d’anacarderaie ou de palmeraie ;
- producteurs ayant une superficie totale cultivée supérieure ou ég ale à 6 ha et ne possédant ni d’anacarderaie, ni de palmeraie.
Plusieurs résultats ont été obtenus suite à nos investigations.
Les populations des communes de Glazoué et de Savalou ont des perceptions empiriques des changements climatiques, en se servant des concepts locaux relatifs aux manifestations pluviométriques, thermiques, solaires et du vent. Les causes attribuées à ces manifestations traduisent l'attachement du producteur à la tradition ou sa foi aux religions importées.
Le paysage agraire de cette zone agro écologique subit continuellement les conséquences des changements climatiques. Ces conséquences varient en fonction de la situation topo séquentielle des parcelles de cultures et du phénomène en présence. Les excès de pluie se manifestent par des inondations fréquentes des parcelles en situation de bas de pente et par des érosions de celles qui sont en haut de pente. Les retards/ ruptures de pluie
entraînent des dessiccations prononcées des sols des parcelles en hau t de pente.
Les cultures installées sur ces différentes unités de paysage subissent les effets de ces variations hydriques. Les conséquences en sont les baisses de rendement et de perte de récolte dues aux mauvaises qualités des produits récoltés. Le ph énomène de verse des plantes de maïs est une conséquence remarquable de l'effet des vents dont les manifestations sont devenues plus violentes. Les conséquences sur les conditions de vie des populations se
traduisent par la baisse de revenu agricole et la dégradation de leur cadre de vie.
Face aux effets ressentis, les producteurs ont développé diverses stratégies, lesquelles varient d’une catégorie de producteurs à une autre. Ainsi, la première catégorie de producteurs a plus fait l'option d'abandon devant les crises climatiques. Les producteurs de la deuxième catégorie exploitent simultanément les différentes unités de paysage (en l’occurrence les unités de haut et de bas de pente), ont introduit de nouvelles spéculations dans leur système de cultures telles que le soja et le riz, ont abandonné d ’anciennes spéculations comme le voandzou, la lentille de terre, le goussi et le niébé et d ’anciennes variétés de culture (variété locale de maïs), ont augmenté les emblavures de cultures en vue d'accroître la production, ont eu recours aux crédits pour les dépenses de production. Ceux de la troisième catégorie ont une vision contraire à celle de leurs confrères de la première catégorie et ont développé des
mesures presque similaires à celles développées p ar leurs confrères de la deuxième catégorie.
Les producteurs de la quatrième catégorie sont de grands producteurs pour qui la production vivrière est la principale source de revenu agricole. Ce sont des étrangers (les Adja et les Fon) qui n’ont pas de plantation et dont le maïs est la principale spéculation. S’étant situés dans une unité de paysage en moyenne de pente, zone propice, et ayant moins de contact avec les structures d’intervention, Ils ont développé moins de stratégie que leur confrère de la catégorie 3.
L'analyse des interrelations entre perceptions, savoirs locaux et stratégies d'adaptation révèle une relation entre perceptions et savoirs locaux et une parfaite logique paysanne entre perception, savoirs et stratégies d’adaptation face aux cha ngements climatiques vécues par les exploitants de la zone d'étude.
Aux termes de ces travaux, il ressort qu’un accompagnement des producteurs dans la maîtrise du temps pendant la saison agricole est nécessaire. C ’est aussi une urgence de les aider à rendre plus performant leur système de production à travers la mécanisation de l’agriculture, à développer l’agroforesterie et l’association légumineuse - céréale pour mieux faire face aux vents violents . La promotion des cultures comme le soja et le riz et la mise au
point de variété de cultures à cycle court par la recherche sont des actions qu’il faut entreprendre pour accompagner les producteurs. Une bonne organisation de leur part est requise pour faciliter la bonne conduite des diverses actions à ent reprendre pour une adaptation effective du monde rural face aux changements climatiques.