Des savoirs locaux revisites
Une majorité d’études dédiées aux impacts du changement climatique
considèrent les populations du Sud – en particulier les paysanneries
et les quelque 350 millions de populations autochtones – comme des
victimes passives. Certes, ces sociétés, encore en grande partie rurales,
sont particulièrement en prise avec les aléas climatiques, puisqu’elles sont souvent
dépendantes d’une agriculture vivrière et des ressources locales. Mais les sciences
humaines ont aussi montré que ces sociétés créent des connaissances et des savoir-faire
actuels, non seulement utiles pour leur propre développement dans des systèmes climatiques
changeants, mais aussi précieux à l’échelle internationale (ressources en termes
d’outils, de pratiques et, au-delà, en termes de viabilité de système et de relations
homme-nature). Le vécu et les savoirs qu’ont les sociétés du climat, de la nature, de
l’environnement et des changements qui les affectent sont ainsi une partie essentielle
de la compréhension des changements climatiques.
Toutefois, la communauté internationale tarde à prendre la mesure de ces réponses
adaptatives locales. En effet, le changement climatique induit incontestablement de
nouveaux dispositifs socio-environnementaux internationaux qui font intervenir une
multitude d’acteurs, portés par des légitimités et des intérêts souvent divergents
(cf. p. 182). En décidant de concentrer leurs priorités sur les conséquences économiques
et environnementales du réchauffement climatique, les décideurs justifient par là même
un processus décisionnel « descendant » qui accorde fort peu de place à l’analyse et au
soutien d’initiatives locales. Le parti pris ici est de prôner une approche complémentaire
et résolument ascendante, basée sur la compréhension des stratégies adaptatives locales
et leur meilleure prise en compte dans l’élaboration de mécanismes internationaux
d’adaptation aux différents scénarios climatiques.